Le jazz est un jeu

Plongeons dans le dernier week-end de la 24e édition de l’OFF Festival de jazz de Montréal avec la joyeuse proposition du compositeur, chef d’orchestre et bassiste de Québec Carl Mayotte. Il lance en ce vendredi 13 octobre au Studio TD Carnaval, son quatrième album, en forme d’hommage à la musique brésilienne et à l’interprétation qu’en ont fait de grands jazzmen américains des années 1960 et 1970. Et mine de rien, ce Carnaval a aussi été inspiré par de la musique de jeux vidéo et la pratique du « speedrunning », qui consiste à tenter de terminer des jeux vidéo en un temps record. Ça, Carl en raffole.

Le mois dernier, un gamer américain surnommé Niftski réussissait à terminer le célèbre jeu Super Mario Bros. (1985) sur la console Nintendo Entertainment System en 4 minutes, 54 secondes et 631 millisecondes, fracassant de 317 millisecondes son propre record mondial établi il y a deux ans. L’exploit, qu’on peut revivre sur YouTube, le rapproche de 0,35 seconde d’une course parfaite réalisée par un ordinateur, précise le site spécialisé en nouvelles scientifiques et technologiques ArsTechnica, qui rapportait cette nouvelle ayant emballé Carl Mayotte.

« J’ai ce hobby particulier de regarder des vidéos de speedrunning le soir pour me détendre, assure le musicien. Ce genre de performance est aujourd’hui optimisée à fond : un nouveau record, c’est une différence de quelques pixels à l’écran. Ces gens-là exécutent leurs manoeuvres avec une hallucinante précision. J’aime voir leur processus d’évolution, voir comment ils travaillent pour devenir meilleurs dans ce qu’ils aiment. Ça m’inspire moi-même dans ma pratique artistique. »

« Au fond, poursuit Mayotte, qu’on soit athlète, cuisinier, danseur ou musicien, c’est le fait de mettre des heures et des jours d’efforts pour perfectionner un tout petit détail. Après, le défi est de demeurer concentré, de rester frais sans perdre la motivation. Ce qu’ils font, jouer le même jeu pendant des heures et des heures pour atteindre la perfection sans perdre leur concentration et leur motivation, ça m’interpelle. »

L’anecdote révèle quelque chose de la personnalité de Carl Mayotte, mais jamais autant que sa musique, joyeuse, pimpante, pleine d’esprit. « Seulement en lisant le titre de mes pièces, on reconnaît le comique », croit le compositeur de Coeur d’enfant, Le Saltimbanque et Cabotinage, tirées du nouvel album. « Je suis quelqu’un de très jovial dans la vie, ça paraît dans mon écriture — et surtout avec la musique brésilienne, à laquelle je veux ici rendre hommage. Jouer ça, ça me rend heureux, et j’espère que les gens qui écouteront ma musique le seront aussi, c’est le but. »

Révélé avec l’étonnant Pop de ville vol. 1 (2021), Carl Mayotte s’est aussi démarqué comme un passionné de jazz fusion, la colonne vertébrale de son oeuvre : « Il y a quelque chose avec cette musique qui peut être très intellectuelle, mais aussi très entraînante », estime le diplômé à la maîtrise en interprétation jazz de l’Université McGill. « Quand on vient nous voir en concert, ça groove, ça se sent qu’on a du fun sur scène, on sourit, on regarde les gens et eux s’ouvrent à nous. Ça crée le contact avec le public. Je crois à l’accessibilité en musique, ça peut ouvrir les portes au public vers d’autres musiques plus difficiles d’approche. »

Carl avoue n’avoir jamais mis les pieds au Brésil (« C’était dans mes plans, mais la pandémie est arrivée… »), mais s’est imbibé de cette culture musicale en dévorant le répertoire et en collaborant avec des musiciens d’origine brésilienne, dont les percussionnistes Aquiles Melo, Charlos Henrique Feitosa et Sacha Daoud (dont le père est brésilien). « Je ne suis pas brésilien, je ne suis pas né dans cette culture musicale, alors cet album est vraiment un hommage dans lequel j’ai tenté d’être le plus authentique possible en reproduisant les subtilités des différents grooves de cette musique. C’est ma perception de la musique brésilienne, mêlée à ma propre identité musicale. »

Et un peu celle des grands du jazz américain qui, à leur manière, se sont aussi inspirés des rythmes du Brésil. En écoutant Carnaval, impossible de ne pas avoir une pensée pour le projet Return to Forever du regretté compositeur et pianiste Chick Corea, décédé en février 2021, en particulier au classique Light as a Feather (1972) que Carl dit avoir écouté « un millier de fois ».

« Sur cet album, Chick a vraiment amené ailleurs la perception que le public avait de la musique brésilienne, notamment grâce à la présence dans le groupe de Flora Purim (la chanteuse) et de son mari (batteur et percussionniste), Airto Moreira, qui donnaient une saveur authentique au projet. Et il y a ce jeu de basse de Stanley Clarke, cette ancienne manière de jouer la samba, très carrée ! La pièce Spain, qui clôt l’album, c’est une incontournable pour tout musicien québécois ayant étudié le jazz au cégep ! »

Le jazz des années 1970 fait partie de ma personnalité musicale ; je l’aime et je l’assume

« Le jazz des années 1970 fait partie de ma personnalité musicale ; je l’aime et je l’assume, mais j’essaie de rafraîchir ces influences fusion en l’adaptant au jazz d’aujourd’hui grâce à des orchestrations originales ou des techniques d’enregistrement différentes », dit Carl Mayotte, qui réalise ses propres albums. « Je n’essaie pas de reproduire le son de Return to Foverver ou de Weather Report ; en fait, ce qui m’inspire le plus ces temps-ci, c’est la musique pour jeux vidéo, qui elle-même tire son inspiration du jazz fusion des années 1970. » Bon, on y revient ! « C’est vrai, les compositeurs des musiques des jeux Mario Bros. et Zelda [à commencer par le légendaire Koji Kondo] étaient des fans de rock progressif et de jazz. T’écoutes la musique du jeu Super Mario Kart [paru en 1992, musique composée par Soyo Oka], c’est une vision actuelle du jazz fusion ! »

Carnaval

Carl Mayotte, Indépendant. En concert dans le cadre du OFF Festival de Jazz, au Studio TD, le vendredi 13 octobre, et au Palais Montcalm, les 19 et le 27 octobre.

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