Nougaro, la java des mots

Depuis 2014, à Toulouse, se dresse dans un square une statue de bronze de 1,74 mètre, une demi-tête de plus que son modèle. Aurait-il apprécié l’hommage ? Pas sûr. « Je ne veux pas devenir un monument, les pigeons chient dessus », se marrait Claude Nougaro. Mais la célébrité, oui, le gamin complexé par sa petite taille en rêvait. « Pour séduire les filles, je n’avais qu’une issue : devenir vedette », confie-t-il à Philippe Bouvard en 1984. Pas simple dans le quartier des Minimes, faubourg morose de la ville rose.

Le garçon rebelle joue des poings et s’ennuie ferme chez ses grands-parents. Autant que sur les bancs des écoles dont il se fait virer avec pertes et fracas. Heureusement, il y a la radio où il découvre Piaf et Trenet, Armstrong et Glenn Miller. Et les livres : il lit Hugo, Verlaine, Baudelaire. Ses parents, toujours en tournée, sont les Arlésiennes de son enfance. Sa mère, Liette, d’origine italienne, est pianiste. Son père, Pierre, est un baryton réputé. Quand il se produit à l’Opéra, Claude est aux anges : « Il crevait sur scène dans des trépas somptueux, et moi, je me régalais de le voir crever ! »

Le 21 décembre 1962, des « jeunes premiers » fêtent Noël chez Sacha Distel. De g. à dr., Johnny Hallyday, Henri Salvador, Claude Nougaro et le tennisman Jean-Noël Grinda.

Le 21 décembre 1962, des « jeunes premiers » fêtent Noël chez Sacha Distel. De g. à dr., Johnny Hallyday, Henri Salvador, Claude Nougaro et le tennisman Jean-Noël Grinda. Paris Match / © François Gragnon

En 1977, Claude Nougaro aux côtés de Marcia, sa troisième épouse, et de Pablo, leur fils.

En 1977, Claude Nougaro aux côtés de Marcia, sa troisième épouse, et de Pablo, leur fils. Paris Match / © Michel Le Tac

Paris est une fête, Nougaro y noie ses angoisses. Il se dit « grand douteur » : « Je doute de mon talent, de l’homme, de Dieu »

En route vers la gloire, le jeune homme voyage léger. Dans sa besace, ses vers ciselés et sa voix rocailleuse. Il ne joue d’aucun instrument. Après un échec au bac, à l’image de ses études, et un service militaire au Maroc, passé plus souvent à l’ombre qu’au soleil, il débarque à Paris. Là, il veut devenir « poète maudit ».

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Au début des années 1950, le dramaturge Jacques Audiberti lui suggère d’écrire « plus direct, plus boxeur ». Le conseil fait mouche. Il déclame ses textes au cabaret le Lapin agile sans oser les chanter, le paternel ayant placé trop haut la barre des vocalises. Il écrit pour d’autres, manque de peu son rêve d’être chanté par Piaf. Mais, pour vaincre sa réticence à chanter, il faut un génie de la mélodie, Michel Legrand, rencontré en 1956. En 1962, ce dernier compose la musique de son deuxième album, où tout Nougaro est déjà là avec « Les Don Juan », « Le cinéma », « Tout feu tout femme ». L’année suivante, il chante « Cécile », dédiée à sa fille née de son mariage avec Sylvie, hôtesse au Lapin agile.

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Désormais, Nougaro est lancé dans l’arène. Il découvre le Brésil en 1964, sa « patrie cardiaque », juste après un grave accident de voiture. Gavé de jazz et des rythmes de Bahia, il est une anomalie au temps des yéyés. Plus vieux que les Johnny, Françoise Hardy, Sheila et consorts, il n’en cultive pas moins leur amitié. Paris est une fête, Nougaro y noie ses angoisses : « Ses carburants, dit Michel Legrand, ce sont l’alcool, les femmes, la nuit et une vie sexuelle totalement débridée. » Il se dit « grand douteur » : « Je doute de mon talent, de l’homme, de Dieu. » Sur scène et en studio, il se rassure avec sa bande de fidèles – Eddy Louiss, Jean-Claude Vannier, Michel Portal… – et son éternel arrangeur et pianiste, Maurice Vander, dit « le coq ».

Chez lui, en septembre 1985, dans sa maison de Montmartre, qu’il sera contraint de vendre après la rupture de son contrat avec Barclay.

Chez lui, en septembre 1985, dans sa maison de Montmartre, qu’il sera contraint de vendre après la rupture de son contrat avec Barclay. Paris Match / © Jacques Lange

La une de Match du 11 mars 2004, consacrée à sa disparition.

La une de Match du 11 mars 2004, consacrée à sa disparition. Paris Match / © Paris Match

En privé, il s’avoue invivable, «comme tous les artistes bouffés par leur égocentrisme »

En privé, il s’avoue invivable, « comme tous les artistes bouffés par leur égocentrisme ». Ses deux épouses suivantes, Odette et Marcia, en font les frais. « J’ai abusé des femmes, soupire-t-il, et elles ont abusé de moi. Il n’y a pas de vainqueur sur ce ring-là. » Les femmes de sa vie ne font qu’y passer, le temps de lui donner deux autres filles, Théa et Fanny, et un garçon, Pablo. Il déteste la politique mais chante « Paris mai », élégie funèbre de Mai 68, qui lui vaut son unique censure.

Comme son père qui agonisait sur scène pour mieux revenir à la vie, il a connu une mort artistique suivie d’une époustouflante résurrection : en 1985, le jugeant « dépassé » après l’échec de l’album « Bleu blanc blues », Barclay met fin à son contrat. Il s’exile à New York et revient deux ans plus tard, « Nougayork » sous le bras. C’est le plus grand succès de sa carrière, avec 500 000 exemplaires vendus. La fin, la vraie, elle survient le 4 mars 2004, sous la forme d’un cancer du pancréas qui l’a emporté en moins d’un an. À ses côtés, une kinésithérapeute de trente-deux ans sa cadette, Hélène, rencontrée vingt ans plus tôt. Dans Paris Match, quelques mois avant leur mariage, en 1994, il la présentait comme « la femme de [sa] mort ». Il ne s’était pas trompé.


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