Les prog’ des festivals se ressemblent ? Celle du Guess Who célèbre la musique

Alors quand, en début de festival, la chanteuse libanaise du groupe Sanam a prononcé un « free Palestine » à la fin de son concert, nous avons considéré que l’expression politique pouvait avoir sa place. Mais nous n’avons pas pu nous empêcher de penser qu’il était bien triste qu’un groupe au moins pour partie israélien (la femme de Greenwood est par ailleurs Israélienne) ne se soit pas senti en sécurité.

Sanam, sur la scène Pandora, au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINKSanam, sur la scène Pandora, au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINK
Sanam, sur la scène Pandora, au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINK

Parenthèse fermée, le mélange de Krautrock et de chant oriental du morceau Bell nous envoûtera longtemps. Sanam est un sextet qui met en musique des chants traditionnels égyptiens et de la poésie arabe en mode free jazz, rock, improvisations. C’est très en place et enivrant, même si ça manque un peu de force et de rythme parfois.

Nah n’en manque pas. Le percussionniste américain installé à Bruxelles est même un rouleau compresseur. Seul avec son kit de batterie et un sampler, il déverse une musique techno-noisy survolté dans esprit tout à fait punk. Plus sauvage que la Jungle et absolument irrésistible. Du délire. Avis aux programmateurs des festivals d’été : à minuit sous un chapiteau, c’est la claque mémorable assurée.

Nah a embrasé la Cloud Nine, au Tivoli. PHOTO JELMER DE HAASNah a embrasé la Cloud Nine, au Tivoli. PHOTO JELMER DE HAAS
Nah a embrasé la Cloud Nine, au Tivoli. PHOTO JELMER DE HAAS

Claque encore avec les Indonésiens de The Phantasmagoria of Jathilan  : moment fou dans l’amphi du Hertz avec ce collectif alliant chant traditionnel et électro boom boom, un duo également connu sous le nom de Raja Kirik, qui met en lumière l’histoire de l’oppression et de la résistance de Java. Au cœur de leur spectacle, ils mettent à l’honneur la pratique de la danse équestre Jathilan. Un pan du folklore javanais mêlé à une production très moderne qui a vite enthousiasmé et fait se lever les spectateurs ébahis à Utrecht.

The Phantasmagoria Of Jathilan, salle Hertz, au Tivoli. PHOTO TIM VAN VEENThe Phantasmagoria Of Jathilan, salle Hertz, au Tivoli. PHOTO TIM VAN VEEN
The Phantasmagoria Of Jathilan, salle Hertz, au Tivoli. PHOTO TIM VAN VEEN

Auparavant, il fallait bien un début et c’est Mhysa qui avait essuyé les plâtres et lancé notre festival. La jeune femme venue du Maryland s’est tôt passionnée pour le chant, se produisant à l’église et à l’école. Sa base sur scène : des ballades atmosphériques et des morceaux de club expérimentaux discordants, distillés par son complice derrière sa console. Elle envoie sa douce voix, dotée d’une sacrée amplitude, sur des morceaux parfois étranges mais assez séduisants. On a connu pire ouverture de festoche.

Mhysa, salle Cloud Nine au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINKMhysa, salle Cloud Nine au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINK
Mhysa, salle Cloud Nine au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINK

Le groupe attendu de cette premiere soirée, les vétérans de WITCH, épaulés par Jacco Gardner, le local de l’étape, et poulains de l’écurie sûre Bongo Joe Records, fait pshitt. Mélange de rythmes funky et de riffs à la Black Sabbath, leur Zamrock ne décolle pas comme on aurait pu l’espérer.

Si le jeudi est plus ramassé dans le temps et géographiquement, le festival démarre en fin d’apres-midi, se prolonge tard dans la nuit, mais peut raisonnablement s’interrompre vers une heure ou deux du matin avec le sentiment du plaisir accompli. Contrairement aux Transmusicales de Rennes qui ont du mal à donner le meilleur d’elles-mêmes si le spectateur ne se couche pas au lever du jour.

Alors la journée, Utrecht se visite. Les canaux s’arpentent à pied ou à vélo, fortement recommandé. A l’instar de Rotterdam, en plusieurs endroits, l’art contemporain s’invite en ville. Ne ratez pas cette théière géante posée sur un parking.

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Un mot enfin sur le Tivoli, le centre névralgique du festival. Cet immeuble aux lignes travaillées parcouru d’escaliers et d’escalators abrite cinq salles. De la majestueuse grote Zaal et ses 1717 places au rez-de-chaussée au cloud Nine et ses 400 places en passant par la Ronda et ses 2 000 places. Le nouveau siècle, l’Aéronef, le Grand Mix (équivalent de Pandora) et quelques autres dans un même lieu. L’acoustique est parfaite. Le spectateur bénéficie d’un confort d’écoute exceptionnel.

Mais c’est dans une église que nous avons commencé notre journée de vendredi avec l’Espagnol Niño De Elche. Avec Raoul Refree, C Tangana et Rosalia, avec qui il a déjà collaboré, le chanteur star dans son pays fait partie de ces artistes qui revisitent le flamenco. Seulement accompagné d’un guitariste, celui qu’on surnomme « el flamenco del punk » s’en tient forcément à quelque chose d’assez traditionnel, mais à la forte singularité. Il cultive l’intensité et la théâtralisation de ce folklore, joue de longs silences, laisse entendre sa respiration, des petits cris, mime l’oiseau. Sa voix est un instrument époustouflant à la tessiture très étendue. Un moment habité.

Niño de Elche à la Jacobikerk. PHOTO JELMER DE HAASNiño de Elche à la Jacobikerk. PHOTO JELMER DE HAAS
Niño de Elche à la Jacobikerk. PHOTO JELMER DE HAAS

Au Guess Who, de l’Espagne au Rwanda, il n’y a que quelques coups de pédales. Au club Ekko, au bord du canal, la Rwandaise Sophie Nzayisenga joue d’une harpe de la taille d’une planche de surf, l’inanga, qui sonne presque comme une guitare moderne, et chante le blues comme une vraie, un sourire contagieux accroché aux lèvres. L’émotion née de ses belles balades a vite conquis les quelques chanceux présents. Un de nos coups de cœur, assurément.

Sophie Nzayisenga au club Ekko. PHOTO MAARTEN MOOIJMANSophie Nzayisenga au club Ekko. PHOTO MAARTEN MOOIJMAN
Sophie Nzayisenga au club Ekko. PHOTO MAARTEN MOOIJMAN

Le Rwanda était décidément à l’honneur cette année puisque le lendemain, ce fut un triomphe pour The Good Ones. Leur musique est empreinte de douleur, le groupe s’est formé dans le cadre d’un processus de guérison après le génocide rwandais (qui a coûté la vie au frère aîné du membre fondateur Janvier Havugimana, qui était aussi leur professeur de musique). Mais elle déborde d’espoir, car le trio original a su réunir les trois tribus du pays (Tutsi, Hutu et Abatwa) pour exorciser les années d’horreur. Chaque salve d’applaudissements gonflait à bloc ces vibrants représentants, démonstratifs, attendrissants et épatants.

The Good Ones, sur la scène Hertz, au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINKThe Good Ones, sur la scène Hertz, au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINK
The Good Ones, sur la scène Hertz, au Tivoli. PHOTO LISANNE LENTINK

Retour dans une église avec Le cri du Caire. Comme son nom l’indique, c’est une plongée originale en Orient que propose ce trio lauréat des dernières victoires du Jazz dans la catégorie Musiques du monde. Tout est en volutes. Une voix puissante, un violoncelle tournoyant et un saxo libre. Présent sur disque, Erik Truffaz n’est pas du voyage, mais le Cri du Caire nous embarque dans une expérience envoûtante et renversante.

Le Cri du Caïre à la Jacobikerk. PHOTO JELMER DE HAASLe Cri du Caïre à la Jacobikerk. PHOTO JELMER DE HAAS
Le Cri du Caïre à la Jacobikerk. PHOTO JELMER DE HAAS

Nous étions alléchés à l’idée de retrouver Antipop consortium , ce groupe phare du hip-hop alternatif, né à New York peu avant le nouveau millénaire. Leur session live sur la Ronda au Guess Who ne nous a pas déçus, tant le quatuor, malgré (ou grâce à ?) des années de pause, a su conserver sa verve créatrice et son sens du beat. Toujours à l’avant-garde 25 ans après. Chapeau les gars !  

Antipop Consortium. PHOTO TIM VAN VEENAntipop Consortium. PHOTO TIM VAN VEEN
Antipop Consortium. PHOTO TIM VAN VEEN

La force du Guess Who réside dans la singularité de l’ensemble, la proposition de folklores originels et inédits que seul ce festival programme. Mais aussi des contrastes saisissants. Nous avons par exemple enchainé le jazz au toucher d’une précision et d’une délicatesse ultime du batteur Tom Skinner avec la rage extrême de Backxwash. D’un côté, le batteur de the Smile et Sons Of Kemet en quartet libre et parfois difficilement perméable, mais d’une subtilité admirable. De l’autre une Canadienne d’origine zambienne qui hurle plus qu’elle ne rappe. Avec Tom Skinner, on a tendu l’oreille, avec Backxwash, on est allé chercher des boules quiès. Deux salles deux ambiances, et deux mémorables expériences.

Tom Skinner à Pandora. PHOTO LISANNE LENTINKTom Skinner à Pandora. PHOTO LISANNE LENTINK
Tom Skinner à Pandora. PHOTO LISANNE LENTINK

Samedi a débuté avec le Brésilien Dominico Lancelotti. Une entame très inspirée par le maitre parmi tous, Caetano Veloso. Une suite pour le coup moins inspirée.

Moin n’a pas inventé son style, mais joue un post-rock assez original, ne serait-ce que dans sa disposition. C’est la batteuse, Valentina Magaletti qui mène et le guitariste et le bassiste, tournés vers elle, sont au diapason. Mais c’est aussi un post-rock où la guitare électrisant ou la batterie très kraut tour à tour surnagent. Des nappes, mais pas seulement. Une rythmique, des extraits en font sonore à la manière de Godspeed. Ce groupe vous attrape.

Moin sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAASMoin sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAAS
Moin sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAAS – Foto: Jelmer de Haas

Nous étions prêts pour le moment d’exception et de communion. Et pour cela rien de tel qu’un retour à l’église afin d’assister au concert d’Alan Sparhawk dont on ne savait absolument pas à quoi s’attendre. C’était le premier concert en Europe de la moitié de Low depuis le décès de son épouse, Mimi Parker, en novembre 2022. Depuis, il n’avait joué que chez lui à Duluth et à Minneapolis, notamment au côté de son fils, Cyrus. Celui-ci était aussi présent à Utrecht, le duo étant accompagné d’un batteur et d’un banjoïste, casquette vissée, assez dispensable pour dire vrai.

Alan Sparhawk à la Jacobikerk. PHOTO MELANIE MARSMANAlan Sparhawk à la Jacobikerk. PHOTO MELANIE MARSMAN
Alan Sparhawk à la Jacobikerk. PHOTO MELANIE MARSMAN

Alan Sparwawk a essentiellement interprété des nouveaux titres pas encore sortis. Du rock souvent marqué 90’s, mais déclamé avec une voix et une âme profonde, forcément hantée par l’absence de Mimi, rencontrée à l’école primaire il y a près de cinquante ans. Qui a vu Low en concert sait à quel point ce groupe a quelque chose de céleste. Les circonstances, la personnalité, le lieu voire l’allure christique du leader ont marqué ce concert rock d’un caractère sacré.

Il était gai ensuite de danser dans la joie avec un concert très électrisant et efficace d’ESG. Les New-Yorkais de la nouvelle vague – capables de merveilles aux percussions – ont le chic pour vous faire oublier tout ce qui vous fait souffrir. Sans doute la section de cuivres la plus chaude du week-end. On a aussi mieux compris pourquoi LCD Soundsystem les chérissait.

ESG sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAASESG sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAAS
ESG sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAAS

Avant de rentrer en transe (ou pas) avec Nihiloxica. Tout pour la percu pour ce groupe originaire pour quatre d’entre eux d’Ouganda et pour les deux autres du Royaume Uni. C’est très puissant, mais aussi très offensif. Il y a presque un parti pris metal, certes original, mais assez rêche voire suffoquant. Des prédispositions d’humeur s’imposent pour décoller. Car si la musique ougandaise est souvent ensoleillée, le son de Nihiloxica, lui, est positivement noir. Les percussions angolaises entraînantes y croisent les lignes de synthés analogiques technoïdes et le jeu hybride des deux Britanniques du band. Le résultat secoue furieusement, comme une synthèse des dancefloors des deux cultures. Sombre voire inquiétant.

Nihiloxica sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAASNihiloxica sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAAS
Nihiloxica sur la Ronda. PHOTO JELMER DE HAAS

On errait ensuite vers O Ghettao et le son nouveau du Portugal. Le voyage s’arrêtait dans la danse. Le tour du monde accompli en trois jours, nous pouvions regagner Lille et nos appartements.

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