Découvrez l’Indonésie : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

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Musique traditionnelle

Dans l’esprit du monde entier, un instrument symbolise toute la culture indonésienne : il s’agit du gamelan. Cet ensemble de percussions mélodiques, composé de xylophones, gongs, tambours, est typique du pays. Il serait né dans les temples au VIIIe siècle. Chaque village possède sa propre variante de gamelan. Ce dernier ne se pratique pas comme un instrument de musique classique, il faut être plusieurs pour en jouer et dans un espace suffisamment grand pour l’installer ! En Indonésie, il n’est pas rare d’apprendre à pratiquer le gamelan dès son plus jeune âge. Et un musicien se doit de connaître toutes les composantes de l’instrument et est en capacité de changer de place régulièrement…

Selon les îles du pays, l’usage n’est toutefois pas le même. À Java, le gamelan va être lié aux cérémonies princières, tandis qu’à Bali, selon les types de gamelan, l’instrument peut être utilisé lors de fêtes de village ou rituels religieux. Traditionnellement, le gamelan peut être joué pour de la musique instrumentale ou pour accompagner des pièces de théâtre. Parfois, le chant vient s’en mêler même s’il reste au second plan de l’interprétation musicale.

Le gamelan a aussi donné naissance au gambang kromong, esthétique musicale au carrefour de sonorités chinoises, sundanaises, betawi (culture de Jakarta) et occidentales, qui est joué pour accompagner les cérémonies marquant les événements importants de la vie des Indonésiens (mariage, naissance ou autres fêtes de famille). Les concerts durent plusieurs heures, voire plusieurs jours ! Le répertoire va des grands classiques à la musique populaire.

Il est courant d’assister à des démonstrations ou des concerts de gamelan à travers l’Indonésie, tant l’instrument de musique fait partie intégrante de la vie quotidienne. Le kraton, palais du sultan, rassemble des gamelans très anciens et préservés. Le festival international de Gamelan de Yogyakarta, sur l’île de Java, se déroule chaque été depuis de nombreuses années et permet de découvrir davantage de déclinaisons de gamelans. Certains artistes ont marqué le pays par leur jeu virtuose comme par exemple Made Subandi, considéré comme le plus grand joueur de gamelan de Bali.

La musique vocale est appelée sekar et se décline en plusieurs styles, répandus majoritairement à Bali et à Java. Dans le détail, le sekar agung est un chant long et typique, le sera alit est plus court et évoque des histoires d’amour, le sekar rara est une berceuse pour enfant et le sekar madya est un chant pour les rituels.

Dans la partie sundanaise (regroupant les territoires de Sumatra, Borneo et Java-ouest), la musique est plus expressive et le chant, plus poétique. La beauté des paysages est évoquée, la voix vibre et avait pour habitude d’émouvoir les aristocrates du XIXe siècle. Ce style de musique est appelé tembang sunda ou cianjuran.

À Borneo, la communauté indonésienne (regroupée sur un territoire nommé Kalimantan) connait aussi le kendau, chant polymorphe selon les occasions : le kendau alaq layug est pratiqué par les hommes lors de cueillettes, le kendau kancet est un chant pour la danse, le kendau sabai est interprété par un chœur.

Musiques actuelles

Plusieurs esthétiques plus populaires, intégrant d’autres instruments de musique que ceux associés au gamelan, émergent au cours du XXe siècle. C’est le cas du kroncong, considéré comme étant une musique urbaine née dans les quartiers de Jakarta. Les spécialistes considèrent que ce style emprunte des influences portugaises, africaines et indiennes. Une pop précoce, qui rappelle curieusement le tango, le folklore hawaïen ou encore le blues sous certains angles. Le Krontjong Orchest Eurasia est l’un des groupes emblématiques de ce genre, enregistré à l’époque sur un disque 78 tours vendu dans le pays. Les textes chantés évoquent la culture Betawi, ancrée à Jakarta.

Le kroncong s’émancipe, au fil des années, des sonorités étrangères pour devenir plus authentique, si bien que dans les années 1960, le premier président de la République d’Indonésie, nommé Sukarno, propulse le kroncong au rang de musique nationale. Il arrive encore d’en entendre dans certaines discothèques indonésiennes ou des fêtes de village. Le morceau « Gado gado Jakarta » de la chanteuse Enny Kusrini, paru dans les années 1980, est, par exemple, considéré comme émanant du kroncong.

Et si le kroncong a plu au gouvernement de Sukarno, ce n’est pas le cas de la musique portée par les cinq frères Koeswoyo, réunis sous le nom du groupe Koes Plus, qui s’inspirent de la pop et du rock anglo-saxon des années 1960. Sukarno déclare même interdire toute imitation de la musique occidentale, avec une attention particulière sur le répertoire des Beatles, totalement proscrit. Les membres de Koes Plus, après avoir enfreint la règle, passent plusieurs mois en prison. C’est le contexte d’un coup d’état imminent qui précipite leur libération. Leur chanson « Di Dalam Bui » raconte leur expérience carcérale et évoque leur point de vue politique.

À de nombreuses reprises, le dangdut, musique populaire associée à la jeunesse musulmane des années 1970, a défrayé la chronique. Ces chants politiques, de protestation, souvent inspirés des valeurs de l’islam sont orchestrés sur une rythmique de kendang, percussions jouées comme des tabla indiens. Rhoma Irama, véritable icône du genre, est d’ailleurs surnommé le « Roi du dangdut ».

Le jazz, lui, a également émergé doucement en Indonésie au début du XXe siècle. On peut remarquer quelques similitudes esthétiques avec le gambang kromong, composé par des xylophones, gongs, vièles à deux cordes, flûtes en bambou et autres instruments occidentaux. Le jazz n’a cessé de se développer si bien qu’aujourd’hui, le pays compte de nombreux clubs de jazz, plus ou moins côtés. Certains artistes comme Bubi Chen, pianiste né à Java oriental, ont été les premiers musiciens de jazz indonésiens à jouer sur la scène internationale. Les festivals sont également nés pour faciliter la circulation des artistes de jazz, faire venir la scène internationale en Indonésie et permettre aux artistes indonésiens de répandre leurs talents à un large public. C’est le cas du Java Jazz festival, du Jazz Gunung ou encore de l’Asean Jazz Festival Batam.

Il est également impossible de passer à côté de la scène rock du pays : les Indonésiens sont particulièrement friands de cette musique. La scène locale est même très développée depuis quelques années, bien qu’elle ne dépasse que rarement les frontières. Cet engouement tient beaucoup au fait que la jeunesse indonésienne fut longtemps coupée de toute création inspirée de la musique occidentale. C’est dans les années 1990 que les artistes se libèrent et s’expriment enfin sur des morceaux plutôt pop-rock, punk-rock et métal. Certains disent que la venue de groupes internationaux tels que Iron Maiden, Deep Purple et Metallica pour des concerts a initié des communautés de fans importantes. Rapidement, des dizaines de milliers de personnes se pressent dans les stades et le métal devient incontournable dans le pays.

Parmi les groupes indonésiens qui ont marqué les esprits, on trouve notamment Black star (pop expérimentale), NTRL (punk-rock) ou encore Straight Answer (hardcore). Plus récemment, un trio exclusivement féminin, originaire de Java occidental, s’est imposé sur la scène thrash métal. Les trois jeunes étudiantes, de confession musulmane, jouent sous le nom de Voice of Baceprot, et se sont déjà attiré les foudres de certains conservatismes religieux et ont même reçu des menaces de mort. Le trio traite plutôt, dans ses morceaux, de la tolérance religieuse, du changement climatique ou encore des conditions d’éducation dans leur pays.

Si le gamelan reste largement pratiqué aujourd’hui, son interprétation traditionnelle a également inspiré une scène expérimentale dense, structurée par la présence de synthétiseurs sur scène, et renforcée par des influences noise plutôt venues du Japon.

Le gamelan a aussi laissé sa trace dans ce qu’on appelle aujourd’hui la « fusion music » ou la « progressive music », comme traduite par le groupe Guruh Gipsy, qui utilise le gamelan dans de la musique rock.

Danses traditionnelles

De même que la musique traditionnelle, la danse traditionnelle varie d’une île indonésienne à l’autre. La pratique est souvent associée aux cérémonies, aux rituels culturels et religieux, ou même aux protocoles des palais royaux.

Si au sud du pays, c’est le pakarena, danse de bienvenue exécutée par des femmes tenant un éventail, qui prime, au nord, le kabasaran, elle aussi interprétée pour témoigner de la bienvenue, est, à l’origine, une danse guerrière dansée par des hommes avant les combats. Non loin de là, le katrili s’inspire du quadrille introduit sur le territoire par les colons espagnols.

À Aceh, au nord de Sumatra, le saman, classé à l’Unesco comme patrimoine culturel immatériel, est pratiqué par les hommes, à genoux, exécutant un rythme en utilisant leur corps comme percussion. Cette danse, presque acrobatique, est très expressive et impressionnante pour le public.

Les Malais de Kalimantan possèdent aussi de nombreuses danses propres à leurs coutumes. Parmi elles, le mandau, réalisée avec des couteaux et des boucliers, ne laisse personne indifférent !

Les historiens rapprochent les danses javanaises et balinaises, les deux territoires ayant des cultures proches, jusqu’à ce que Java devienne musulmane. Toutes deux bercées par la religion hindouiste pendant longtemps, Java et Bali se sont inspirées des épopées divines indiennes du Râmâyana et du Mahâbhârata pour raconter les différentes légendes dans les danses. À Java, la danse est enseignée dans les palais royaux : le bedoyo ketawang et le srimpi s’imposent. Ces chorégraphies sont dansées par des jeunes filles. À Bali, le legong kraton est la danse traditionnelle de cour par excellence. Des jeunes filles en costumes identiques exécutent des mouvements synchronisés. Il est encore possible d’assister à des spectacles de legong kraton. Le legong a son équivalent masculin, le baris, danse de guerre traditionnelle.

D’autres styles de danses, mêlant également théâtre et musique, sont répandus sur l’île : le kebyar fait preuve de beaucoup de gestes et mimiques faciales, le barong est un style plus commun et scénarisé, le joged bumbung ou joged kepyak est une danse de séduction accompagnée par le gamelan en bambou.

Outre le kecak, qui se déroule au coucher du soleil avec un chœur d’hommes réunis en cercle autour d’un feu et levant les bras au ciel, seule la danse de transe, faite lors de rituels et s’inspirant de la mythologie, nommée sanghyang, ne s’adosse pas à une ligne musicale de gamelan pour être interprétée.

Certains danseurs et chorégraphes se sont faits connaître sur ces diverses esthétiques traditionnelles, c’est le cas de I Ketut Marya, qui a répandu le kebyar et a créé sa propre forme, appelée kebyar duduk ; mais aussi de Sang Ayu Ketut Muklen, danseuse émérite de legong, très connue à Bali, qui a largement contribué au rayonnement de la pratique.

Danses actuelles

Pendant longtemps, la danse fut considérée comme royale, ne s’exécutant qu’au sein des cours et n’étant vouée qu’à une certaine élite indonésienne. Avec l’arrivée de nouvelles danses au cours du XXe siècle, la danse se répand dans les villages, permettant ainsi une meilleure transmission de diverses chorégraphies rituelles. Aujourd’hui, l’apprentissage de la danse est très répandu.

Le dangdut, faisant écho au genre musical du XXe siècle précédemment évoqué, est considéré comme danse nationale, de même que le poco-poco. Toutes les deux sont à l’image de la modernisation culturelle du pays. La première danse s’inspire des films indiens, la seconde est mixte, prend racine sur l’île des Célèbes, se danse en lignes et en colonnes.

Sur l’île de Java, un événement de danse fait sensation depuis plusieurs années : un ballet retraçant l’histoire de Râmâyana est produit au Prambanan, plus grand centre religieux hindouiste d’Indonésie, classé au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco.

Théâtre

Intimement lié à la danse, le théâtre indonésien est largement connu via le théâtre d’ombres javanais, appelé le wayang kulit. Des figurines en cuir, découpées à la main, sont coordonnées, sur scène, par un marionnettiste, appelé le dalang. Tout comme les danses balinaises et javanaises, les histoires contées sont celles du Râmâyana et du Mahâbhârata, dans le but de les répandre au plus grand nombre à l’époque où Java était encore sous l’influence hindouiste. Le wayang kulit est, la plupart du temps, accompagné par un orchestre de gamelan. Ce dernier suit le récit et les chants du dalang, qui fait parler ses personnages et narre l’histoire. Caché derrière le rideau, le dalang n’est donc pas vu, et souvent très respecté pour son aura, de la part du public indonésien. Dans les années 1970, l’artiste Manteb Soedharsono s’est fait connaître pour ses talents de dalang. Le wayang est inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco depuis 2008.

D’autres formes de wayang ont émergé à travers le pays : on croise notamment le wayang golek (les marionnettes ne sont plus en cuir mais à tiges), le wayang orang (qui est un théâtre dansé, sans marionnettes), le wayang klitik (pour lequel les marionnettes sont beaucoup plus étoffées) ou encore le wayang beber (les marionnettes sont remplacées par des dessins sur des rouleaux en cuir, présentés au public). Le théâtre d’ombres s’est aussi diffusé dans les pays voisins comme au Cambodge, en Malaisie, en Thaïlande ou encore au Laos.

Aujourd’hui encore, les Indonésiens fréquentent énormément les spectacles de wayang kulit, cette habitude se transmet même de génération en génération. Beaucoup de jeunes enfants sont initiés par des enseignements transmis par des compagnies de théâtre d’ombres, comme Sri Wedari qui se trouve à Surakarta mais aussi Bharata qui, elle, est installée à Jakarta. Certaines universités proposent même le théâtre d’ombres ou le théâtre traditionnel parmi leurs cursus d’études supérieures.

À Bali et à Java, le théâtre masqué fait aussi sa place en parallèle du wayang. Les Indonésiens l’appellent le topeng, mêlant le chant, la danse et le théâtre. Il s’inspire des légendes du pays. Le topeng n’est joué que par des hommes qui adoptent différents caractères et changent de personnages au gré de la pièce. L’art du topeng ne réside pas dans son récit – si ce n’est dans la transmission de quelques valeurs – mais surtout dans l’incarnation de ces divers caractères. L’improvisation est de mise : les protagonistes choisissent en coulisses une histoire et des personnes extérieures à la scène viennent coordonner les différentes entrées des caractères. Le gamelan est souvent présent pour donner un rythme. Les gestes retenus par les comédiens sont d’ailleurs exécutés en harmonie avec la musique ! I Made Djimat, artiste balinais né en 1947, est particulièrement virtuose dans sa pratique, apprise dans son village natal, Batuan, berceau de la culture traditionnelle à Bali.

Ce théâtre masqué a lieu dans le cadre de rituels ou de fêtes. Au-delà d’être réputé pour la finesse de son jeu, ce sont les masques qui interpellent souvent le public et font rayonner cet art à l’international. Ces masques sont en bois, sculptés et peints au pigment naturel, comportant des fentes au niveau du bas des yeux et parfois, de la bouche. Certains ont les yeux ouverts également. Les masques pleins, sans trous au niveau de la bouche, incarnent des personnages qui restent muets. Il s’agit souvent du roi, de rôles violents ou des rôles de doyens de la cour.

D’autres formes de théâtre circulent en Indonésie : l’arja (opéra comique dansé de nuit à Java), le barong (drame dansé chamanique), le calon arang (drame cérémonial mettant en scène la sorcière balinaise Rangda), le mak yong (théâtre chanté royal de Sumatra) ou encore le gambuh (théâtre dansé ancien balinais).

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